Avec Laurence Tardieu

En novembre 2019, Laurence Tardieu était en résidence d’écriture à l’Université de St Andrews. Lors de cette résidence, elle a animé un atelier d’écriture, a discuté de son livre À la fin de silence avec des étudiants, a aussi participé à une conversation littéraire a l’Institut Francais d’Edimbourg, avec Elise Hugueny-Léger.

Son blog, disponible en anglais et en français, relate les temps forts de cette résidence d’écriture. En voici la dernière entrée:

Vous souvenez-vous du premier texte que j’ai écrit, ici, sur ce blog, le lundi 11 novembre ? J’arrivais de Paris, exsangue. Je ne connaissais rien à l’Ecosse. J’écrivais qu’une vie de femme est une bataille. Le matin, je m’étais promenée sur les ruines de l’ancienne cathédrale, j’avais longé les pierres tombales, j’avais ressenti une émotion très forte.

Il me semble que tout ça était il y a si longtemps.

Ici, j’ai eu tant de temps, et tant d’espace.

Temps d’écriture, d’abord, incroyable luxe, de longues heures à plonger phrase après phrase dans mon livre, à me sentir chaque jour faisant davantage corps avec lui, comme si, peu à peu, lui et moi nous épousions l’un l’autre.

Joie de creuser, fragment après fragment, un sillon, de sentir quelque chose vibrer, apparaître.

Joie de me sentir libre dans cette forme.

Joie de me dire « ça y est, je suis dedans, dedans jusqu’au cou, je ne reculerai plus, et ce n’est pas douloureux. C’est même tellement heureux. »

Force de l’espace, ensuite. Dès ma fenêtre, chaque matin lorsque j’écrivais. Apercevoir la mer au loin, le ciel, la ligne d’horizon, par moments (comme à cet instant même) parfaitement nette. A chaque heure, observer les variations de lumière. En cet instant, par exemple, il est 15h15, la lumière est rasante, dorée. La mer d’un bleu profond. Tout semble immobile, éternel. Pourtant, dans dix minutes, rien ne sera plus pareil.

Et puis, lorsque je me promenais, après plusieurs heures de travail. Ressentir cet espace si vaste, habité de présences, habité d’histoire. Marcher parmi les ruines, sous le ciel immense, sentir le vent sur le visage, voir et entendre les vagues déferler.

Mais tout cela n’aurait eu aucun sens, aucune valeur, sans les rencontres humaines que j’ai faites ici. Je pense à Elise, bien sûr, qui a permis tout ceci, de manière incroyablement juste et lumineuse. Je pense à Elodie. Aux autres professeurs, rencontrés même parfois fugacement. A Natalia. A Helen et Hugh.

Je pense aussi, beaucoup, aux étudiants, à la lumière dans leur regard, pendant l’atelier d’écriture, pendant la discussion littéraire. A leurs questions. Leur écoute frémissante. Ces regards que je ne croiserai peut-être plus, mais qui, l’espace de quelques instants, ont croisé le mien – et cela a existé.

En toute chose, il y a de la beauté.

GRATITUDE.