Un poisson rouge dans un bocal…
Le poète témoigne du monde des montagnes sur lesquelles un faucon vole.
Des dangers des drogues et des menaces de boire trop d’alcool.
D’une vie seule, d’un cœur brisé et d’un amour dissipé sans traces.
De la nature, des bergers et des bois, d’être aveugle – jamais lâche.
De s’observer au miroir et regarder le tic-tac de sa montre.
De la jalousie de l’amante trahie souffrant d’une peine dans le ventre.
Des limites de la langue en acclamant le pouvoir de l’épée principale, de son stylo.
Du luxe de se relaxer sur la plage, une parallaxe d’images d’un îlot.
De simples plaisirs dans la vie, d’une cigarette et d’une tasse de thé.
Des espérances pour l’avenir du coin isolé de son bureau renfermé.
Le poète témoigne d’un poisson rouge dans un bocal…
Mais qui est-il et que connaît-il de la pêche ?
Freja King, spring 2020. Ce poème prend comme source d’inspiration la photo ‘Palm Springs’ de Robert Doisneau
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Un poème d’amour
Le poète témoigne d’un tas de merde
Mais ne le dis pas à ma femme.
« Pourquoi tu ne m’as jamais écrit de poème ? »
Comme si je n’avais pas d’âme.
Elle me dit « Tout poète lyrique en vertu
De sa nature opère… »
Mais son club de lecture sait que
Je suis le cocu de Baudelaire.
Un mari trompé des hommes libres morts
« Tout ce qu’il y a d’intime »
Elle ne partage pas avec moi,
Mais avec ces connards qui riment.
Notre fils s’appelle Guillaume,
Mais pas comme mon père,
Ne le dis pas à mes potes qu’il
S’appelle comme Apollinaire.
J’admets : je ne suis pas un poète,
Gestes d’amour ne sont pas égaux,
Je l’aimerai entre minuit et l’aube,
À moins qu’elle préfère l’Aube d’Hugo.
Pour dire je t’aime, je ne dois pas écrire
Donc je dis je t’emmerde à Rimbaud
Car l’amour n’est trouvé dans les poèmes
Et la poésie non plus dans les mots.
Talia Bagnall, spring 2020
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Quand tu te réveilles
Quand tu dors ainsi, mon ange, tu me promets la lune
Tes boucles blondes, une mer dorée, la preuve de ma fortune
Tu me promets la lune comme tu rêves sous son éclat doux
Tes mains jointes en prière dessous la chaleur de ta joue
Quand tu dors ainsi, mon ange, la lune incline sa tête
Les planètes se ficellent à toi, le monde ta marionnette
La lune incline sa tête, soumise à ton règne de paix
Et te couronne d’une auréole de son clair argenté
Quand tu te réveilles, mon ange, tes promesses se flétrissent
Le lever du soleil te dévoile comme fabulatrice
Tes promesses se flétrissent, et ton règne n’est plus coi
Car la lune a une face cachée, et parfois les anges choient
Hannah Gray, spring 2018
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Briser les frontières
Elle a franchi
la frontière,
Car sa patrie n’avait plus de langue.
Le sens des paroles qu’elle prononce m’échappe,
Mais l’émotion qui se déverse de ses doigts agités,
De son anticipation désespérée,
Me parle plus clairement
Que les lettres noires sur des pages blanches.
Le chant de chaque mouvement
Interpelle mon cœur,
Son âme, un instant, sous mes soins.
Avec un crayon de couleur l’homme raie le paysage,
Mettant en gras les frontières
Car autrement, elles cesseraient d’exister.
C’est ma mère, c’est la voisine qui prend mes colis, c’est une amie
que je ne peux consoler,
Les mots me manquent.
J’attrape ses yeux nerveux, son angoisse,
Avec un sourire, confort fugace.
Ses larmes deviennent les miennes, et se
perdent dans la pluie qui tombe
Comme les mots de ses lèvres, aussi
désordonnés que ses
biens, fourrés dans un sac rayé
renversé à ses pieds.
Vivant en marge, son identité
fragmente.
Je calme ses doigts frénétiques,
Pour un moment, on partage le poids,
Deux étrangers en paix.
Pour un moment, la barrière de la langue
disparaît.
L’amour parle pour nous,
Car sa patrie n’a plus de voix,
Mais la sienne mérite d’être entendue.
Rachel Dinsdale, spring 2017
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Le vide
Tes petits doigts serrent le mien,
faiblement résistants.
Sous tes côtes saillantes, je sens le battement balbutiant de ton cœur,
fragile, mais toujours là.
Tu commence à pleurer, mais les larmes ne coulent pas.
Tes yeux secs trouvent les miens ;
La faim a laissé une cicatrice sur ta joue parcheminée.
L’angoisse saisit le
vide de mon ventre.
Tes petits doigts serrent le mien
Et mes seins stériles crient de douleur.
Il n’y a pas de lait, il n’y a pas de pluie,
Seule une sécheresse persistante infinie.
Je veux un avenir pour toi, je veux que tu connaisses le bonheur,
Mais je ne peux pas, je ne peux pas te donner ce dont tu as besoin et ça me
brise le cœur.
Mon instinct me hurle, me tourmente,
Je lance mes prières dans
l’abîme, en espérant qu’un jour, quelqu’un les entendra.
J’essaie de te protéger
mais en réalité, ce sont tes yeux confiants qui me protègent moi.
Ta main qui me cherche me donne une raison de vivre, la force
de continuer.
Tu fais partie de moi, je ne te quitterai jamais.
Ensemble on attend.
On attend.
À l’horizon, la chaleur souffle la poussière semblable à des vagues.
Tes petits doigts serrent le mien,
Et je me demande encore combien de temps tu peux continuer à t’accrocher.
Rachel Dinsdale, spring 2017
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Noël
Complexe rituel et affectif
Souvenirs de froid et de neige
Eléments spectaculaires :
Messe de minuit, bûche, crèches, arbres décorés
Sentiment de cohésion familiale
Matérialisation par la veillée, la marche en groupe à l’église
Retour à la maison où par un repas,
Communion alimentaire qui, comme aux baptêmes,
Noces, funérailles, et fêtes patronales,
Renforce à nouveau ce sentiment.
Dans des conditions anormales, ce désir devient plus violent,
Chez les expatriés, par exemple.
Tous qui y participent ne font que décrire ceux autres,
Pour leur propre consolation,
Des Noëls passés chez eux jadis.
Nsah Mala, 22 avril 2017, The Burn. This poem was written as ‘caviardage de texte’ from “Cycles de douze jours” in Grandes vacances (1946) by Francis Ambrière.